DÉNOMINATION
HISTORIQUE
Année(s) de réalisation
1130Commanditaire(s)
Arnaud d’EspagneA GRANDS TRAITS
Bien que la paroisse de Saint-Vincent soit consacrée dès le VIIIe siècle sur le territoire de Meyrinhac, l’église telle que la ville de Mérignac la connaît aujourd’hui n’est construite qu’en 1130. Elle est financée par Arnaud d’Espagne, membre de la Maison Noble d’Espagne qui possède les terres autour de ce qui est actuellement le centre-ville. En 1874, une nouvelle église est construite pour remplacer l’ancienne, devenue vétuste, et dont l’état ne va cesser de se dégrader jusqu’aux importants travaux de restauration entrepris dans les années 70, et qui permettront à la vieille église d’être inscrite en 1987 à l’inventaire des monuments historiques.
DANS LE DÉTAIL
L’ancienne église Saint-Vincent a la forme typique d’une église romane. Elle comporte en effet une large nef que croise un transept, ainsi qu’une construction de forme arrondie, ou abside sur sa façade est. Une plus petite abside, ou absidiole, flanque la gauche de cette dernière.
L’église est construite en moellon et pierre de taille pour les ouvertures. Pour la supporter, ses constructeurs ont ajouté une charpente en bois à l’intérieur (on dit que l’église est charpentée) et d’épais piliers de pierre à l’extérieur : des contreforts. Toutes les fenêtres percées sur la façade sont très petites pour diminuer le risque qu’en cas d’incendie, le feu pénètre à l’intérieur et embrase la charpente.
Cette église est la seule sur des kilomètres à la ronde. La tour qui surmonte le transept permet à l’église d’être visible de loin et donne une forme pyramidale à l’édifice. Cette pratique est typique d’un tournant dans la construction des églises romanes au XI-XIIe siècle, dont l’ancienne église Saint-Vincent est représentative.
Ainsi, la tour comprend des fenêtres dont les voussures sont en arcs brisés, et non en plein cintre, c’est-à-dire que la courbe qui les surmonte est pointue sur le dessus et pas juste en demi-cercle. La double absides sur la face est (absides principale et absidiole) est également une innovation de cette période, où le clergé commence à être plus nombreux et deux prêtres sont nécessaires pour célébrer la messe (Lewis Mumford, La Cité à travers l’Histoire, 1961, chapitre 9)
Les absides et absidioles sont surmontées de modillons à décor représentant les 7 pêchés capitaux : animaux, hommes portant du vin, tonnelets de vin, hommes exhibitionnistes. Cette mise en valeur permet d’éduquer une partie des fidèles qui ne sait pas lire, en repoussant symboliquement les péchés en dehors de l’espace sacré.
Un très ancien lieu de rassemblement
En 1981, une sépulture carolingienne est retrouvée à côté de la vieille église. En effet, cet emplacement est un lieu de rassemblement pour les bûcherons de Mérignac depuis l’Antiquité, et l’église mérovingienne, construite entre le VIIe et le VIIIe siècle, sera utilisée par les premiers chrétiens à la fois comme lieu de rassemblement et comme nécropole (Ginette et Pierre Gilliard, Origine et Essor des quartiers de Mérignac, deuxième édition augmentée, 2009).
L’église Saint-Vincent, remplace l’église mérovingienne en 1130, et elle est aussi utilisée par les paysans de la seigneurie de Veyrines, raison pour laquelle sa nef forme une seule grande salle sans bas-côtés.
Le territoire de l’église passe de main en main au cours du Moyen-Âge, et en 1242 c’est le seigneur gascon Bertrand de Blanquefort, fidèle au roi de France qui fortifie l’église et la défend contre les Anglais dans les combats de la guerre de Cent Ans.
Au XVIe siècle, la Ville de Bordeaux achète la baronnie de Veyrines et appose sur le sommet du portail un blason toujours visible aujourd’hui. L’église est incendiée en 1650 lors de la Fronde, mais elle sera reconstruite.
Après la Révolution Française, l’église sert de mairie, de lieu de célébration républicaine (fête nationale, fête de l’Être suprême), mais également toujours comme lieu de culte, avec un curé constitutionnel appointé par l’État (Gilliard Ginette et Pierre, Origine et essor des quartiers de Mérignac, deuxième édition, 2009).
Être ou ne pas être une église
Au milieu du XIXe siècle, l’église médiévale, devenue trop petite est peu à peu abandonné. Une nouvelle église est construite sur la place centrale par l’architecte Gustave Alaux, et l’ancienne église est désacralisée.
À partir de 1874, elle connaît plusieurs destinations : école de garçon, atelier municipal, et même caserne de pompiers. Après la première guerre mondiale, des offres de démolition se multiplient de la part des promoteurs mais la Mairie décide de conserver l’église et de la louer comme entrepôt de stockage aux usines d’aviation qui commencent à prendre de l’importance dans la ville.
C’est dans les années 1970 que la Ville de Mérignac réalise la valeur patrimoniale de la vieille église Saint-Vincent, et entreprend de grands travaux de rénovation pour lui redonner son aspect originel, mais aussi des fouilles archéologiques qui révèlent des objets, des sarcophages et des monnaies datant du Haut Moyen-Âge. Ces opérations permettent à l’ancienne église Saint-Vincent d’être inscrite en 1987 à l’inventaire des monuments historiques. L’église rénovée devient une galerie qui accueille des expositions d’art contemporain. Cependant, en 2001, l’église est frappée par la foudre lors d’un orage et la toiture et le clocher sont incendiés. De nouveaux travaux de reconstruction sont entrepris et la Ville de Mérignac reçoit le “Ruban du Patrimoine” en 2007 pour sa restauration exemplaire. La vieille église Saint-Vincent continue ainsi de jouer un rôle culturel important dans l’agglomération bordelaise, en devenant dans les années 2010 la référence pour les expositions de photographie contemporaine.