












DÉNOMINATION
HISTORIQUE
Période
XVIIIe siècle XIXe siècle XXe siècleAnnée(s) de réalisation
1956Commanditaire(s)
Institut national pour la recherche agronomique (INRA)A GRANDS TRAITS
Arcins est une île formée par agrégats de bancs de sable au cours de l'époque moderne. Elle est située près de la rive droite de la Garonne, séparée par un mince canal -ou passe- de la commune de Latresne, sa commune d'attache. Malgré une soumission permanente aux forts courants et aux submersions du fleuve, l'île est mise en culture dès le XVIIIe siècle, agrandie puis fixée par bornage à une vingtaine d'hectares au début du XIXe siècle.
Longtemps sylvicole, viticole, puis jardin fruitier d'expérimentation et elle est, depuis 2024, propriété de Bordeaux Métropole qui lui destine un avenir tourné vers la protection et la valorisation de ses riches espaces naturels.
DANS LE DÉTAIL
Jusqu'à la Révolution : une île en croissance
Comme toutes les autres îles formées sur les fleuves de France, Arcins, appelée au XVIIIe siècle "œil-de-bœuf", est la propriété de l'État. Via son administration (la Ferme générale), le royaume propose la mise en fermage de ses espaces, tolérant leur agrandissement si le locataire s'acquitte des impôts afférents. En 1763, Pierre Dublan (1700-1787), qui n'est autre que le responsable des domaines du roi à Bordeaux (!), se rend locataire de l'île. Il y développe la culture de saules et de peupliers, deux essences hydrophiles à croissance rapide, utilisées pour la fabrication de piquets de vigne et de cercles à barrique. Jusqu'à sa mort, Dublan prend soin d'agrandir son île par le rattachement des bancs de sable et autres atterrissements formés à son approche pour augmenter son île de quelques milliers de mètres carrés à une dizaine d'hectares.
Le XIXe siècle : la culture des possibles
Après la Révolution, l'île est rachetée puis passe aux mains de deux propriétaires : les Foussat et les Dupuch, qui poursuivent la sylviculture et les augmentations de surface. Dans les années 1830, l'île est bornée par un géomètre des Ponts et Chaussées à la suite de plaintes des propriétaires riverains. Ces derniers s'inquiètent de voir un jour fermée la passe par les bancs de sable de l'île, signant en quelque sorte la mort annoncée de leur commerce viticole depuis les rives de Latresne. Les 17 bornes plantées le long du cordon de digue fixe la surface d'Arcins à une trentaine d'hectares.
À partir des années 1860, Arcins est complantée en vigne sur une vingtaine d'hectares pour la production de vins dits de palus. Ces vins, en vogue tout au long du XIXe siècle, donnent d'excellents rendements et l'avantage pour les cépages comme le petit verdot de s'épanouir sur des sols humides voire noyés par les crues du fleuve. En 1906, le nouveau propriétaire Louis-Pierre Pairier fait construire d'immenses cuviers à étage et des chais au centre de l'île (détruits à partir de 1958). Les vins de l'île reçoivent de nombreuses récompenses aux divers concours et expositions où ils sont présentés jusqu'au début du XXe siècle.
Ère INRA (1955-2002) : à la pointe des fruits
L'achat de l'île par l'État via son jeune Institut national de la recherche agronomique (INRA, INRAE depuis 2020) en 1955 correspond à la volonté de développer l'agriculture française grâce à des pôles régionaux spécialisés. Arcins est rattachée à l'antenne de la Grande Ferrade à Villenave-d'Ornon, qui sont chargés de l'étude et de la croissance des nouvelles espèces fruitières. Au cours des années 1960, les derniers ceps de vignes sont remplacés par des pêchers, des pommiers et autres cerisiers ; les anciens bâtiments viticoles (chais, cuviers) sont démolis. Le climat humide et dépourvu de gelées favorise les expérimentations et la lutte contre les nuisibles. À la fin des années 1960, la groseille de chine est mise en culture pour la première fois en France. Plus connue sous le nom kiwi, la plante est d'ailleurs toujours présente sur l'île, comme nombre d'espèces fruitières après le départ des ingénieurs agronomes en 2002.
Vers la nature (2002-) : du privé au public
Un propriétaire privé rachète l'île en abandonnant toute forme d'exploitation agricole mais avec l'idée de promouvoir la nature insulaire, notamment auprès des scolaires. En juin 2024, dans le cadre du programme "métropole rafraîchissante", Bordeaux Métropole acquiert Arcins afin d'en faire, à terme, un parc public fluvial.
La culture du vime ?
Comme en 1760, la vente de 1815 indique que l'île est "entièrement complantée en œuvre et vîme".
"L’œuvre" se rapporte au matériel nécessaire pour la culture de la vigne. Parmi cette "œuvre" on trouve les piquets, appelés localement carrassonnes, issus principalement des châtaigniers du Périgord-Limousin, et le vime, qui est du bois tendre qui permet : d'attacher les vignes aux fils et aux piquets, de réaliser des cercles pour les barriques, ou encore à tresser des paniers de vendange...
Le terme vulgaire de vime dérive de la plante salix viminalis, autrement dit une espèce de saule dont la culture en brin donne, après trois années de croissance, des tiges particulièrement tendres et flexibles appelées osier. Aux XVIIIe et XIXe siècles, son prix élevé pousse les propriétaires des zones inondables (rives de fleuves, îles) à développer massivement ces cultures.
Arcins est donc une île de saules, pourvoyeuse des besoins de ces propriétaires successifs : la famille Dublan jusqu'en 1815 puis les Dupuch et Foussat détiennent tous des domaines viticoles à proximité de l'île dont les vins sont réputés sur la place bordelaise.